Peter Gluckman, président du Conseil international des sciences, a prononcé un discours liminaire aux côtés de la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies pour les communications mondiales, Melissa Fleming, de Mohammad Hosseini de la Global Young Academy et de Sandrine Dixson-Declève, présidente du Club de Rome, lors de l'événement parallèle sur la diplomatie scientifique en amont de Sommet du futur.
Durant les décennies qui ont suivi la guerre froide, la diplomatie scientifique a constitué un élément important de la politique étrangère des grands pays, faisant partie des efforts internationaux visant à répondre aux défis mondiaux et à réduire les tensions mondiales. Le Traité sur l’Antarctique, l’IIASA, le Protocole de Montréal et le GIEC sont tous des exemples de cette époque. Bien que souvent résumée dans la coopération scientifique internationale, la diplomatie scientifique est quelque chose de plus : elle vise à atteindre des objectifs diplomatiques à la fois nationaux et mondiaux. Cependant, la logique et les conditions dans lesquelles la diplomatie scientifique s’est épanouie changent et se fragmentent à mesure que le lien entre science et technologie, les intérêts géostratégiques et économiques se renforce. Dans ce nouveau contexte paradoxal, la diplomatie scientifique doit évoluer. L’ère de la mondialisation, et avec elle l’engagement en faveur de l’interdépendance et de la coopération mondiales sur les questions scientifiques mondiales, est en recul. Elle a modifié l’espace dans lequel la diplomatie scientifique peut opérer.
Dans de nombreux pays, la volonté d’ouvrir la science est remplacée par le mantra « aussi ouverte que possible, aussi fermée que nécessaire » dans les déclarations politiques, et des restrictions de plus en plus fortes sont en train d’apparaître sur les échanges scientifiques entre les pôles politiques. Pourtant, le monde est confronté à des défis communs et mondiaux que la science et la technologie doivent relever. Le paradoxe est évident. Nous avons besoin d’actions qui pourraient nous aider à surmonter le conflit inhérent entre la realpolitik des tensions géostratégiques et le mondialisme que prônent de nombreux membres de la communauté scientifique mondiale.
Nous sommes confrontés à de nouvelles technologies qui ne respectent pas les frontières nationales : les avancées rapides dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la biologie synthétique et de la physique quantique, jusqu’à l’exploitation des fonds marins, de l’espace intérieur et des ressources extraterrestres, par exemple. La complexité est encore accrue par le fait qu’une grande partie des nouvelles technologies sont portées par des entreprises qui évitent largement les réglementations nationales et transnationales et remettent même en cause le rôle des États-nations.
Les conditions qui ont donné leur valeur à la diplomatie scientifique doivent évoluer, tout comme sa pratique. Même si la diplomatie scientifique a parfois semblé théorique, elle constitue un lien essentiel entre les mondes très différents de la diplomatie et de la science pour notre avenir à tous.
Dans cet espace confus et conflictuel, nous devons tenir compte des rôles potentiels des différents acteurs. Les processus diplomatiques officiels doivent être éclairés par la science et la communauté scientifique internationale a un rôle clé à jouer pour faire avancer les efforts du deuxième volet qui, compte tenu du contexte, pourraient prendre une plus grande importance.
Le Conseil international des sciences est unique en son genre, car il regroupe des académies scientifiques et des organisations scientifiques internationales du Nord, du Sud, de l'Est et de l'Ouest, et des domaines des sciences naturelles et sociales. Il a de plus en plus ressenti le besoin de jouer un rôle plus important dans la diplomatie de deuxième niveau, et a été sollicité pour le faire.
Nous vivons aujourd’hui dans une époque où les politiques nationales en matière de science, d’économie et de sécurité peuvent entrer en conflit avec des objectifs plus vastes liés aux biens communs mondiaux. Les diplomates devront adopter une approche multipartite, incluant les gouvernements, les entreprises et le monde universitaire. La communauté internationale doit apporter un soutien accru à la communauté scientifique internationale, lui permettant d’être un partenaire à part entière plutôt qu’une simple considération secondaire.
La realpolitik exige que la diplomatie scientifique serve avant tout les intérêts d’une nation. Elle peut le faire dans des domaines tels que la sécurité, le commerce, la gestion de l’environnement et l’accès à la technologie. Mais les gouvernements doivent également reconnaître qu’il est dans l’intérêt de chaque nation de faire progresser les biens communs mondiaux. Dans ce domaine, la diplomatie scientifique a un rôle national essentiel à jouer pour garantir que les nations comprennent que leurs intérêts sont servis par une action collaborative. La diplomatie scientifique de deuxième voie peut être un partenaire précieux pour un système multilatéral quelque peu hésitant.
Trop peu de pays ont intégré la diplomatie scientifique dans leur boîte à outils diplomatique. Ce n’est qu’avec des conseillers scientifiques au sein des ministères des Affaires étrangères connectés aux communautés scientifiques nationales que l’interaction entre les approches de la voie II et de la voie I peut devenir plus efficace.
Le monde a malheureusement failli à son engagement envers les Objectifs de développement durable. Le Sommet a pour objectif de relancer cet engagement mondial. La communauté scientifique doit jouer son rôle pour garantir que des progrès soient effectivement réalisés. Comme je l’ai dit l’année dernière lors de la Forum politique de haut niveauSi nous n’utilisons pas la science de manière judicieuse et urgente, nous sommes tous en danger.
Découvrez l'implication de l'ISC dans le Sommet des Nations Unies sur le futur, une opportunité unique de renforcer la coopération multilatérale sur des défis critiques et d'évoluer vers un système des Nations Unies revigoré, mieux placé pour avoir un impact positif sur la vie des gens.
Image : Nations Unies sur flickr